Le criblage des informations défavorables, quels enjeux ?

Contexte et Définitions

A Paris, le 20 octobre 2022, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a annoncé un changement important pour renforcer la pédagogie des sanctions. En effet, le « gendarme bancaire » a déclaré que les audiences de la Commission des sanctions de l’ACPR seront dorénavant « par défaut, publiques » ; l’exception serait donc le huit clos, ce qui n’était pas le cas avant.

Une telle décision nécessite la mise en exergue de certains impacts, puisque la publicité des audiences permettrait aux acteurs du marché et autres professionnels du secteur, de suivre aisément les sanctions prises par l’ACPR. Dans ces conditions, le risque réputationnel pourrait devenir aussi important (si ce n’est plus) que celui de l’amende financière.

Ainsi, supervisées par cette autorité de contrôle (ACPR), les banques devraient par conséquent améliorer leurs dispositifs de réduction de risque, notamment leurs Diligences Raisonnables (impliquant une surveillance/vigilance constante des relations) afin de ne pas attirer l’attention de cette première.  Pour se faire, les banques vérifient l’identité et la situation financière de leurs relations d’affaires pour évaluer les risques éventuels auxquels ils exposeraient ces banques. Une pratique consiste donc à rassembler et analyser toute la documentation réglementaire concernant les clients d’une banque dans le cadre du processus « Know Your Customer » (Connaître son Client). En guise de vigilance ponctuelle et/ou renforcée, les banques ont notamment l’obligation de cribler leurs relations d’affaires (clients mais aussi les tiers tels que les intermédiaires, prestataires, fournisseurs).

En effet, dans le secteur bancaire, un grand pan de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT) passe par ce qu’on nomme le criblage (« screening » en anglais).

Le criblage « traditionnel », permettant de lutter contre les risques susvisés (LCB-FT et corruption), consiste notamment à comparer ses relations d’affaires à des listes. A titre d’exemple, il peut s’agir de confronter les bases de données contre des listes officielles relatives à des sanctions ou à des mesures de gel des avoirs.

S’il y a « match » (correspondance) entre une relation d’affaires et une personne présente sur l’une des listes officielles, une analyse plus approfondie est effectuée. Si le risque est trop grand, cela peut emmener la banque à résilier sa relation d’affaires (phase de recertification dans le cadre du « one-off screening » / suite à une alerte générée par le biais du « regular screening ») ou à ne pas entrer en relation avec la personne physique ou morale (phase d’onboarding pour le « one-off screening »).

Ce principe fonctionne pour ce qui concerne les listes de sanctions (et non pas pour le criblage de toutes les listes obligatoires) ; cela dit, force est de constater que cette approche ne permet pas suffisamment d’anticiper le risque, puisque si une personne est présente sur une liste de sanctions, c’est qu’elle a déjà été sanctionnée : c’est là que peut entrer en jeu le criblage des informations défavorables, cette pratique permettant une meilleure anticipation (et donc couverture) des risques.

Ainsi, les informations défavorables (« Adverse Information », « Adverse Media » ou encore « Negative News », en anglais) sont toutes informations négatives sur une personne physique et/ou morale trouvées dans une grande variété de sources d’information – à la fois les organes d’information « traditionnels » (journaux officiels) et les blogs ou publications web.

Dès lors, le grand intérêt de ce criblage est d’aller chercher de l’information sur ses relations d’affaires directement (autant que possible) au niveau de la suspicion, et non plus exclusivement à partir du moment où il y a déjà eu condamnation.

Les enjeux du criblage des informations défavorables 

Le criblage des informations défavorables peut révéler une implication (présumée parfois) non seulement dans le blanchiment d'argent, mais également dans la fraude financière, le trafic de drogue, les crimes sociaux ou environnementaux (compris dans le reporting ESG), les menaces financières, le crime organisé, le terrorisme, etc.

De surcroît, ces potentiels liens entre des relations d’affaires et de telles implications menacent directement la réputation des entreprises, ce qui peut entrainer des répercussions juridiques et commerciales négatives.

Ainsi, le criblage des informations défavorables peut devenir une plus-value quant à la stratégie de gestion des risques de criminalité financière à plusieurs titres :

  • Révéler l’implication dans des activités criminelles qui peuvent déterminer la nécessité d’une diligence raisonnable supplémentaire et/ou d’examens ciblés des activités transactionnelles passées pour éclairer la décision d’intégrer, de maintenir ou de quitter une relation d’affaires ;
  • Informer l’évaluation et la classification des risques de la relation d’affaires et déterminer l’étendue de la surveillance continue ;
  • Former un élément clé d’une stratégie d’évènement déclencheur permettant un déploiement plus efficace des ressources ;
  • Fournir un contexte supplémentaire à l’appui d’une enquête sur une activité potentiellement suspecte, qui peut elle-même être déclenchée initialement par l’identification d’informations défavorables ;
  • Constituer un élément intégral dans la construction et l’identification des risques potentiels ou des controverses eu égard à la source de richesse et/ou à la source de fonds d’un client.

De facto, comme pour tout sujet de conformité, il est indispensable d’utiliser l’approche par les risques afin de mettre en place un dispositif idoine.

Par voie de conséquence, la pertinence et l’efficacité d’un tel dispositif seront générées ; non seulement par une identification précise des relations à cribler (ex : seuils de risque à mettre en place) mais aussi par une utilisation des nouvelles technologies telles que le traitement automatique des langues (TLAN ou NLP en anglais), l’intelligence artificielle et le machine learning.

Ces technologies permettront in fine de définir des algorithmes qui seront automatisés et plus précis (ex : mise en place d’évènements déclencheurs selon des critères à définir en fonction du contexte de la banque), ce qui aura pour effet d’optimiser l’efficacité du dispositif et l’efficacité opérationnelle.

 

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Stéphane PECHEUX - Consultant Senior Softeam Consulting